Share
La pandémie de COVID-19 provoque en même temps une crise économique et une grande incertitude. L’industrie et les gouvernements ont été contraints à réagir à des menaces inédites, et presque inimaginables, pour l’économie mondiale.
Après tout, combien d’entreprises avaient répertorié une pandémie mondiale parmi leurs risques principaux en 2019? Les graves répercussions de la pandémie sur le marché du travail amènent les investisseurs et le public à examiner de plus près la rémunération des dirigeants.
Nous avons suivi les actes des 350 plus grandes entreprises britanniques et analysé leur réaction à la crise financière mondiale.
Élément clé à retenir : Les conseils d’administration sont aujourd’hui plus enclins à admettre qu’il est parfois nécessaire de réduire la rémunération des dirigeants, alors que cela était rarement perçu comme acceptable dans le passé. Nous espérons qu’il s’agit là d’un virage vers des niveaux de rémunération plus équitables et davantage liés au rendement
La COVID-19 et la crise financière mondiale de 2008
Au Royaume-Uni et dans de nombreux autres pays, les gouvernements sont intervenus pour payer des employés, ce qui a permis d’éviter des licenciements à court terme. Ces mécanismes de soutien à l’emploi, largement adoptés par l’industrie, constituent une intervention sans précédent du gouvernement dans le marché du travail.
Si nous revenons dix ans en arrière, en mai 2010, alors que la crise financière mondiale faisait encore rage, nous avions assisté à la réduction de la cote de crédit du Royaume-Uni et au sauvetage de la Grèce. Il y a autant de similitudes que de différences entre cette crise et la pandémie de COVID-19. L’une des ressemblances les plus frappantes est la douleur ressentie dans l’ensemble de l’économie, bien que la fermeture de secteurs entiers cette année soit sans précédent et qu’elle ait entraîné la mise à pied prolongée de nombreux employés, des gels ou des réductions de salaire et des licenciements, et que tout cela ne soit pas terminé.
Du point de vue de la gouvernance d’entreprise, la façon dont les dirigeants et les comités de rémunération ont réagi en adaptant leurs modalités de rémunération constitue une différence marquante par rapport à la crise financière mondiale. Partout dans le monde, un grand nombre d’entreprises ont gelé les salaires et limité les primes incitatives. En revanche, très peu d’entreprises en dehors du secteur bancaire ont réellement réduit la rémunération des membres de la direction ou de la haute direction. Il y a cependant eu certaines exceptions : En Irlande, les salaires des dirigeants ont considérablement diminué, alors qu’ils sont restés pratiquement inchangés au Royaume-Uni. Au cours de la crise actuelle, un nombre important d’entreprises ont réduit la rémunération des dirigeants et des cadres supérieurs. Bien que ces réductions soient de nature temporaire et qu’elles correspondent à la situation des autres employés qui ont été mis à pied ou congédiés, le changement d’approche par rapport à la crise financière mondiale est frappant.
La rémunération des dirigeants sous surveillance
La rémunération des dirigeants a augmenté de façon exponentielle au cours des 30 dernières années. L’attention qui est portée aux niveaux de rémunération des dirigeants dans le contexte de la main-d’œuvre dans son ensemble a elle aussi considérablement augmenté. Les ratios de la rémunération des chefs de la direction sont maintenant largement diffusés (notamment au Royaume-Uni et aux États-Unis) et la surveillance par les parties prenantes s’est renforcée. La publicité négative bénéficie d’une forte visibilité, non seulement chez les clients, mais aussi chez les employés et les autres parties liées à l’entreprise.
Depuis la crise financière mondiale, les rôles et les responsabilités des comités de rémunération au Royaume-Uni ont été élargis. Ils sont dorénavant tenus de démontrer que la rémunération des dirigeants est équitable et qu’ils ont véritablement tenu compte de la rémunération et de la situation de l’ensemble du personnel pour déterminer la rémunération des administrateurs. De plus, la société dans son ensemble s’attend à ce que les administrateurs comprennent l’ensemble de la main-d’œuvre et sachent clairement comment les salaires sont reliés à la culture de l’entreprise.
L’attention accordée à la rémunération, et à d’autres sujets comme les impôts que paient les entreprises et le traitement des employés pendant cette crise, vont se maintenir durant les retombées économiques qui en découleront.
Quelques jours après le début du confinement, alors que les répercussions potentielles sur la main-d’œuvre sont devenues évidentes, des organismes sectoriels et des investisseurs ont commencé à publier des orientations proposant que les entreprises « partagent la douleur » au niveau de la direction. Cela n’a pas été ignoré. Peu de temps après le début du confinement, de nombreuses entreprises ont commencé à annoncer la réduction de la rémunération de leur haute direction, dans le but de préserver les liquidités. Bon nombre des compressions ont été menées par la direction, ce qui témoigne d’une empathie particulièrement marquée envers l’ensemble du personnel.
Les entreprises britanniques réagissent à la pression
À la suite de la crise financière mondiale, les actionnaires du Royaume-Uni se sont vus accorder un droit de vote sur la politique de rémunération au moins tous les trois ans, pour chaque entreprise. En général, le premier de ces votes a eu lieu en 2014. Étant donné que ces votes ont lieu tous les trois ans, 2020 devait être une année importante puisque la majorité des sociétés britanniques devaient renouveler l’approbation des actionnaires.
En raison des pressions exercées sur la rémunération des dirigeants dans le contexte de la pandémie, certaines entreprises ont reporté d’au moins un an toute augmentation qui était envisagée. Dans plusieurs cas, la mise en application de toute augmentation de rémunération a été reportée jusqu’à ce que la situation économique offre davantage de certitude. Cette approche est logique, en raison de l’impact potentiel sur la réputation que pourrait avoir une augmentation de la rémunération des dirigeants au moment où des employés sont mis à pied pour une période prolongée.
Par ailleurs, les entreprises ont fait l’objet de fortes pressions au cours des dernières années pour ramener le niveau de cotisation au régime de retraite des membres de la haute direction à un niveau comparable à celui dont bénéficie le reste du personnel.
Changements importants observés cette année :
- Une majorité d’entreprises ont officiellement réduit leurs cotisations au régime de retraite des nouveaux dirigeants dans leur politique de rémunération. De manière générale, ces changements étaient déjà prévus bien avant la pandémie.
- Plusieurs ont également réduit leurs cotisations au régime de retraite des administrateurs en place, alors qu’il y a dix ans, réduire la rémunération d’un administrateur était presque inimaginable.
C’est un excellent exemple d’investisseurs et d’organismes sectoriels qui envoient le même message clair sur un sujet, et d’entreprises qui réagissent.
Les banques réduisent la rémunération et les dividendes fléchissent
Compte tenu des conséquences de la COVID-19 sur l’économie réelle, les organismes de réglementation ont réagi pour préserver des bilans sains dans des secteurs clés. Le gouvernement a également demandé aux banques britanniques de suspendre le versement de dividendes pour 2019. Ailleurs en Europe :
- La Banque centrale européenne a émis des directives pour que les banques ne versent pas de dividendes pour les exercices financiers 2019 et 2020, au moins jusqu’au 1erjanvier 2021.
L’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers suisses (FINMA) a exhorté les entreprises domiciliées en Suisse à abandonner les propositions de versement de dividendes. Ces changements visaient à renforcer la capacité des banques à absorber les pertes et à soutenir le crédit.
Dans ce contexte, il a été encourageant, et sans précédent, de constater qu’un grand nombre de grandes banques ont annoncé diverses mesures de réduction de la rémunération des dirigeants, sous la forme notamment de baisses de salaire, de réductions ou d’annulations de primes, ou encore d’ententes pour reporter des hausses de rémunération prévues. Nous présentons ci-dessous les réductions de salaire annoncées par certaines grandes banque, même si, jusqu’à présent, bon nombre de ces engagements ont été pris sous la forme de dons de bienfaisance faits par les membres de la haute direction. Étant donné la réduction des dividendes, nous nous attendons à ce que les comités de rémunération des banques communiquent clairement aux investisseurs l’approche choisie pour tenir compte des répercussions de la COVID-19 sur la rémunération des dirigeants en 2020. Les conseils d’administration devront tenir compte non seulement des répercussions pour les investisseurs, mais aussi pour le personnel dans la nouvelle conjoncture économique, y compris dans les situations où des mises à pied avaient déjà été planifiées avant la pandémie de coronavirus.
En conclusion
Année après année, le niveau de rémunération des membres de la haute direction continue à attirer l’attention des médias et du public. Les hausses de salaire considérables observées au cours des 30 dernières années ne correspondaient pas à une amélioration correspondante du rendement des marchés ou de l’économie, et elles sont devenues de plus en plus difficiles à justifier.
Cependant, en comparant et en contrastant deux crises économiques, la crise financière mondiale de 2008-2010 et la plus récente pandémie de COVID-19 et le confinement qui a suivi, nous avons constaté un changement marquant dans la façon dont les conseils d’administration ont réagi pour ce qui est de la rémunération des dirigeants.
Étant donné que les sommes versées à de nombreux chefs de la direction s’élèvent à plusieurs millions de livres par année, il est clair qu’il reste beaucoup de chemin à faire avant d’atteindre un niveau de salaire que la société considérera comme équitable. Cependant, le fait qu’un tiers des entreprises aient réduit leur rémunération durant le confinement est révélateur d’un changement important et d’une amélioration notable par rapport à la crise financière mondiale. La réaction relativement généralisée au confinement, conjuguée aux réductions des cotisations au régime de retraite constatées au cours des dernières années, ne marque peut-être pas la fin du processus pour les investisseurs qui souhaitent que les incitatifs destinés aux dirigeants soient structurés de manière à favoriser la création de valeur à long terme. Il pourrait toutefois s’agir du début d’une ère dans laquelle les comités de rémunération se sentiront plus à l’aise de réduire le niveau de rémunération en cas de baisse du rendement. Il est également possible que les premiers avantages soient que les comités de rémunération soient tenus de tenir compte de la rémunération et des conditions de l’ensemble du personnel.
Chose certaine, le rôle des investisseurs n’a jamais été aussi important pour envoyer un message clair aux conseils d’administration au sujet de la rémunération. Nous allons continuer à mobiliser les entreprises pour nous assurer que la rémunération est équitable et appropriée dans les circonstances. Même si la situation actuelle ne durera pas éternellement, du moins nous l’espérons, nous pouvons essayer d’utiliser cette année et les réductions temporaires constatées comme un catalyseur pour le changement à long terme.
Avis
Les points de vue et opinions sont ceux de BMO Gestion mondiale d’actifs et ne doivent pas être considérés comme des recommandations ou des sollicitations d’achat ou de vente des sociétés éventuellement mentionnées.
Les renseignements, opinions, estimations et prévisions qui figurent dans le présent document sont tirés de sources considérées comme fiables et peuvent changer à tout moment.


M. Powell tient ses promesses

Les services bancaires et les « pommes pourries » : les répercussions de la faillite de SVB


La variable inconnue de la volatilité

Les petites banques en grand péril


Le coup d’assommoir du président Powell au Sénat

